Lost - Saison 2
La fin de la saison 1 de Lost
se terminait sur un double cfliffhanger aussi redoutable qu'imparable.
Tandis que Sawyer, Jin et Michael voyaient leur échappée en voilier
contrariée par une bande de pirates leur enlevant de surcroît Walt, sur
l'île, Locke, Jack, Hugo et Kate faisaient exploser la fameuse trappe,
objet de tous les fantasmes depuis la mi-saison. D'un strict point de
vue de l'intrigue globale de la série, cette conclusion nous amenait à
nous interroger sur la capacité des scénaristes à conserver un même
niveau de mystère et de suspens tout en levant le voile sur les
questions que se posent les téléspectateurs.
Dès les premières
images, l'attente est enfin récompensée : la saison 2 livre d'entrée de
nouvelles clés en révélant d'abord le contenu de la trappe et d'autre
part en introduisant de nouveaux personnages : le groupe de survivants
de la queue de l'avion qui se cache de locataires plus anciens de
l'île, les « Autres », dont l'identité constitue un nouvel enjeu de la
série. Ces nouvelles pistes scénaristiques permettent aux scénaristes
de broder de nouveaux motifs et surtout, d'éviter la répétition par
rapport aux théories de la première saison. Exit donc l'hypothèse d'une
sorte de purgatoire où les personnages devraient régler leurs comptes
avec leur passé avant d'accéder à un monde meilleur. Disqualifiée
également le postulat strictement science-fictionnel, où la créature
invisible et l'ours polaire seraient des projections psychiques des
personnages. La saison 2 de Lost fait tomber nos plus belles certitudes
en s'orientant vers le thème de l'expérience psychologique, à la
manière d'un vaste « Truman Show » sous les cocotiers. De ce point de
vue, Lost est une série qui va bien au-delà de ce qu'on pourrait
attendre d'un simple programme télé de divertissement en s'intéressant
à des théories diverses telles que celles du « Contrat Social » de
Rousseau, du behaviorisme,du bouddhisme ou du déterminisme. Les indices
sont là, parfois tellement manifestes que le spectateur tourne autour
sans s'en saisir. Mais pour qui s'empare de ces propositions, le champs
de la réflexion est vaste et passionnant, au delà du plaisir
instantané que la série procure. Il suffit de voir le nombre de forums
qui lui sont consacrée pour se convaincre de l'impact qu'elle produit
et de l'excitation intellectuelle qui en est la conséquence.
Bien sûr, Lost n'en oublie pas de développer ses
personnages, à la faveur des fameux flash backs qui révèlent certains
aspects de la personnalité des naufragés. Leur comportement sur l'île
est systématiquement dévoilé par un épisode de leur passé. Ainsi la
ruse de Sawyer pour récupérer toutes les armes de l'île s'explique par
ses antécédents d'arnaqueur professionnel, la disposition de Jack de
vouloir sauver le monde trouve son origine dans son métier de
chirurgien, l'addiction de Charlie remonte à ses relations avec son
frère. Et ainsi de suite. Ceux qui reprochent à ces flash backs de
ralentir l'intrigue principale n'ont tout simplement pas compris qu'il
sont partie prenante du dessein général, que Lost s'intéresse avant
tout aux individus échoués sur l'île pour dresser de magnifiques
portraits qui dessinent une forme d'anthologie de la série télé, chaque
flash back empruntant à un genre particulier, du fantastique au
policier, du soap au drame psychologique.
Cette seconde saison ,
si elle met à mal nos principales certitudes, confirme cependant son
inscription directe dans un contexte post 11 septembre et la
construction d'une société marqué par cet événement fondateur. En
effet, la construction d'une forme de société sur l'île par les
survivants se heurte à la peur de l'autre (les « Autres », spontanément
identifiés comme les méchants alors qu'eux se définissent comme les
gentils), à la notion de territoire (la ligne à ne pas dépasser pour
éviter le conflit), de collectivité, d'utilisation des armes à feu
(toujours objet de drames ou de commerce entre les personnages), de
leader. Si la théorie globale vers laquelle semble se diriger la série
peut encore être remise en question, il ne fait cependant pas de doute
que Lost se veut le territoire d'observation des comportements
individuels et collectifs qui ont suivi les attaques du 11 septembre
2001.
Si Lost continue sur ce rythme-là, parvient aussi
intelligemment à lever nos interrogations tout en posant de nouvelles
questions, et sait surtout s'arrêter au bon moment, il est évident que
cette série deviendra l'un des programme les plus ambitieux et réussi
que l'on aura vu sur le petit, voire même sur le grand écran ces
dernières années. C'est tout ce que l'on souhaite, en attendant de pied
ferme le 4 octobre 2006, date de diffusion du premier épisode de la
troisième saison qui devrait nous réserver beaucoup de surprises.