Samaria
Yeo-jin, une
adolescente, vit seule avec son père veuf, un policier. Quand elle
n'est pas à l'école, elle aide sa meilleure amie, Jae-young, qui se
prostitue, à gérer sa clientèle. Le but étant pour les deux jeunes
filles de réunir assez d'argent pour pouvoir s'offrir un voyage en
Europe. Mais Jae-young s'attache facilement aux hommes qu'elle
rencontre, ce qui ne semble pas plaire du tout à Yeo-jin. Un jour,
Jae-young et un de ses clients sont surpris par la police dans un hôtel
de passe. Plutôt que de se faire arrêter, Jae-young saute par la
fenêtre et se blesse gravement.
Samaria est un film
qui au premier abord peut déconcerter car il introduit des ruptures de
ton, des changements de point de vue inattendus dans la narration qui
peuvent donner le sentiment que le film est décousu, alors qu'il obéit
au contraire à une stricte logique mise en place par le réalisateur.
La
première partie pourrait s'apparenter à une chronique de la
prostitution adolescente en Corée avec une variante essentielle :
Jae-Young, qui se prostitue, semble y prendre beaucoup de plaisir, se
lie facilement avec les clients que lui rabat son amie yeo-Jin, entre
dans leurs vie personnelles pour mieux les connaître. Ce petit commerce
est décrit avec une forme d'innocence, d'insouciance qui permettent au
film d'échapper au pensum. En outre, Kim Ki Duk pose un regard sur les
adolescente qui adopte une juste distance, jamais voyeuriste ou sordide.
La
seconde partie, qui suit la mort de Jae-Young, oriente le film vers le
thème de la rédemption : Yeo-Jin, qui éprouve un fort sentiment de
culpabilité pour avoir été celle qui gérait la clientèle de son amie,
va retrouver tous ses anciens clients pour se prostituer à son tour et
leur rendre leur argent. On entre ici davantage dans la description des
relations entre la prostituée et ses clients. Yeo-Jin va comprendre le
plaisir que ressentait son amie au contact de ses clients. Ceux-ci ne
sont en effet pas présentés comme des monstres pédophiles, mais des
hommes ordinaires, parfois bons, sur lesquels on porte un regard non
pas d'accusation ou de jugement, mais dont on comprend presque les
motivations qui les poussent à payer pour faire l'amour.
Le
film opère une nouvelle rupture avec la découverte par la police d'un
corps assassiné dont on croit spontannément qu'il s'agit de celui de
Yeo-Jin alors qu'il s'agit de celui d'une autre prostituée.
« Samaria » adopte alors le point de vue du père de Yeo-Jin, qui
découvre le commerce de sa fille et qui va s'employer à poursuivre ses
clients pour les dissuader de payer ses services. C'est ici
manifestement le point de vue moral qui s'impose au travers de la
détresse du père. Celui-ci agit en dehors de sa fonction de policier
en tant que simple citoyen : il va jusqu'à s'immiscer dans la famille
d'un des clients de Yeo-Jin pour l'accuser devant femme et enfants et
le pousser au suicide, ou à commettre un meurtre pour libérer sa fille
de ce fléau. On entre alors dans la condamnation sociale de la
prostitution adolescente, sans plus qu'aucune compréhension ou
compassion ne se manifeste. C'est la justice aveugle qui s'abat au nom
de la société. On le comprend, Kim Ki Duk opère les ruptures dans le
récit avec des scènes traumatiques, qui brisent le confort du
spectateur et la prévisibilité des événements : le saut dans le vide de
Jae-Young, la découverte de la prostituée assassinée, le meurtre à main
nu d'un client de Yeo-Jin.
La dernière partie du film organise la réconciliation du
père et de sa fille lors d'une randonnée à la campagne, sur la tombe de
la mère décédée. Nous sommes ici dans le rite d'initiation, dans le
récit d'apprentissage, le retour à la tradition et aux valeurs. Les
gestes rituels sur la tombe de la mère ressèrent les liens père-fille,
les péchés de chacun sont lavés et il est temps pour Yeo-jin de voler
de ses propres ailes.
Samaria est donc bien une oeuvre
hétéroclite, qui use de symboles pour mieux signifier son propos, mais
qui demande au spectateur un effort de synthèse indispensable pour en
appréhender la richesse et l'intelligence.
Le dvd
Publié
dans une édition "budget" à moins de 15 euros dans un boitier
"slimpack", Samaria dispose de caractéristiques techniques tout juste
correctes, et n'offre comme supplément qu'un court making of qui
témoigne des méthodes de tournage de Kim Ki Duk, et donne la parole aux
jeunes actrices.