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VERSATILE
11 mars 2007

Samaria

Yeo-jin, une adolescente, vit seule avec son père veuf, un policier. Quand elle n'est pas à l'école, elle aide sa meilleure amie, Jae-young, qui se prostitue, à gérer sa clientèle. Le but étant pour les deux jeunes filles de réunir assez d'argent pour pouvoir s'offrir un voyage en Europe. Mais Jae-young s'attache facilement aux hommes qu'elle rencontre, ce qui ne semble pas plaire du tout à Yeo-jin. Un jour, Jae-young et un de ses clients sont surpris par la police dans un hôtel de passe. Plutôt que de se faire arrêter, Jae-young saute par la fenêtre et se blesse gravement.

Samaria est un film qui  au premier abord peut déconcerter car il introduit des ruptures de ton, des changements de point de vue inattendus dans la narration qui peuvent donner le sentiment  que le film est décousu, alors qu'il obéit au contraire à une stricte logique mise en place par le réalisateur.

La première partie pourrait s'apparenter à une chronique de la prostitution adolescente en Corée avec une variante essentielle : Jae-Young, qui se prostitue, semble y prendre beaucoup de plaisir, se lie facilement avec les clients que lui rabat son amie yeo-Jin, entre dans leurs vie personnelles pour mieux les connaître. Ce petit commerce est décrit avec une forme d'innocence, d'insouciance qui permettent au film d'échapper au pensum. En outre, Kim Ki Duk pose un regard sur les adolescente qui adopte une juste distance, jamais voyeuriste ou sordide.

La seconde partie, qui suit la mort de Jae-Young, oriente le film vers le thème de la rédemption : Yeo-Jin, qui éprouve un fort sentiment de culpabilité pour avoir été celle qui gérait la clientèle de son amie, va retrouver tous ses anciens clients pour se prostituer à son tour et leur rendre leur argent. On entre ici davantage dans la description des relations entre la prostituée et ses clients. Yeo-Jin va comprendre le plaisir que ressentait son amie au contact de ses clients. Ceux-ci ne sont en effet pas présentés comme des monstres pédophiles, mais des hommes ordinaires, parfois bons, sur lesquels on porte un  regard non pas d'accusation ou de jugement, mais dont on comprend presque les motivations qui les poussent à payer pour faire l'amour.

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Le film opère une nouvelle rupture avec la découverte par la police d'un corps assassiné dont on croit spontannément qu'il s'agit de celui de Yeo-Jin alors qu'il s'agit de celui d'une autre prostituée. « Samaria » adopte alors le point de vue du père de Yeo-Jin, qui découvre le commerce de sa fille et qui va s'employer à poursuivre  ses clients pour les dissuader de payer ses services. C'est ici manifestement le point de vue moral qui s'impose au travers de la détresse du père. Celui-ci agit en dehors de sa fonction de policier  en tant que simple citoyen : il va jusqu'à s'immiscer dans la famille d'un des clients de Yeo-Jin pour l'accuser devant femme et enfants et le pousser au suicide, ou à commettre un meurtre pour libérer sa fille de ce fléau. On entre alors dans la condamnation sociale de la prostitution adolescente, sans plus qu'aucune compréhension ou compassion ne se manifeste. C'est la justice aveugle qui s'abat au nom de la société. On le comprend, Kim Ki Duk opère les ruptures dans le récit avec des scènes traumatiques, qui brisent le confort du spectateur et la prévisibilité des événements : le saut dans le vide de Jae-Young, la découverte de la prostituée assassinée, le meurtre à main nu d'un client de Yeo-Jin.

La dernière partie du film organise la réconciliation du père et de sa fille lors d'une randonnée à la campagne, sur la tombe de la mère décédée. Nous sommes ici dans le rite d'initiation, dans le récit d'apprentissage, le retour à la tradition et aux valeurs. Les gestes rituels sur la tombe de la mère ressèrent les liens père-fille, les péchés de chacun sont lavés et il est temps pour Yeo-jin de voler de ses propres ailes.

Samaria est donc bien une oeuvre hétéroclite, qui use de symboles pour mieux signifier son propos, mais qui demande au spectateur un effort de synthèse indispensable pour en appréhender la richesse et l'intelligence.

Le dvd

Publié dans une édition "budget" à moins de 15 euros dans un boitier "slimpack", Samaria dispose de caractéristiques techniques tout juste correctes, et n'offre comme supplément qu'un court making of qui témoigne des méthodes de tournage de Kim Ki Duk, et donne la parole aux jeunes actrices.

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Commentaires
W
Je l'ai acheté et reçu cette semaine, je l'ai immédiatement regardé. Kim Ki-duk change de registre mais traite à nouveau de ses thèmes récurrents que sont la perte de l'innocence, le monde hostile et pervers pour les jeunes...<br /> Il est vrai qu'il faudra prendre du recul pour analyser ce film car il comporte différents messages. Personnellement, ce n'est pas mon préféré, mais il en vaut la peine.
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