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VERSATILE
10 mars 2007

Masters of Horror - Saison 1

podcast_soundtrackProduit par le network américain Showtime sous la houlette de Mick Garris, Masters Of Horror est l'un des projets télés les plus excitants de ces derniers mois car il convoque pour une anthologie de 13 épisodes les plus grands réalisateurs du cinéma d'horreur, de Tobe Hooper à John Carpenter en passant par Dario Argento et Stuart Gordon. Sur un strict cahier des charges en terme de budget et de conditions de tournage, cette série est la manifestation d'une inventivité et d'une franche émulation au sein de cette réunion de grands maîtres du genre, dont certains nous livrent ici ce qu'ils  ont produit de mieux depuis des lustres.

Réalisé par Don Coscarelli (Bubba Ho Tep), « Incident in and off a mountain road » ne démarre cependant pas la série sous les meilleurs auspices. Il s'agit d'un survival classique où une jeune femme, suite à un accident de voiture en pleine campagne, est poursuivie par un tueur patibulaire, le « Moon Face ». L'originalité de ce film est que la victime, mariée à un adepte  de l'auto défense, va mettre en oeuvre les conseils prodigués par son mari pour échapper à son poursuivant. Le film est construit en un montage alterné entre le jeu de chat et de la souris entre la jeune femme et le Moon Face, et les flash backs revenant sur la dégradation progressive de sa vie de couple antérieure due à l'obsession de son mari pour les techniques de combat, le maniement des armes blanches et le tir. On a cependant du mal à croire aux ruses (façon Mike Guyver) qu'emploie la jeune femme pour échapper à son poursuivant, celle-ci bricolant des pièges assez improbables alors qu'elle a à ses trousses un dangereux psychopathe. Le film trouve heureusement son second souffle lorsqu'on rentre dans le repaire du Moon Face où celui-ci y pratique la torture façon « énucléation » et où y est enfermé une de ses anciennes victimes encore vivante, Bruce. On pense alors aux repères des serial killers les plus célèbres, du Leather Face de Massacre à la Tronçonneuse à la famille de frapadingues de House of 10,000 Corpses. Le film se conclue sur un twist où on découvre que de victime à bourreau, la jeune femme avait déjà résolu ses problèmes de couple de façon radicale.

Avec « Dreams in the witch house », Stuart Gordon adapte une nouvelle fois HP Lovecraft après notamment Re Animator. Le film se déroule dans un hôtel miteux où Walter, un jeune étudiant révisant ses examens loue une chambre à côté de celle d'une mère isolée avec son fils, Danny. Très vite, il est sujet à d'étranges hallucinations pendant son sommeil. Le film obéit à une stricte unité de lieux puisqu'il se déroule presque exclusivement dans le décor d'une chambre de bonne. Stuart Gordon y organise la lente descente dans la folie de son personnage principal qui doute de plus en plus de sa santé mentale suite à des visions tantôt érotiques, tantôt grotesques (le rat à face d'homme!) et la découverte du passage d'un monde à un autre. C'est une lutte contre la folie à laquelle nous assistons, le jeu halluciné du personnage principal nous rappelle d'ailleurs celui de Bruce Campbell dans Evil Dead. Si le ton est globalement celui de la dérision (éclairage baroques, personnages de locataires décalés, superstitions religieuses), le film se frotte tout de même au thème de l'infanticide dans son dernier acte, tabou ultime que Stuart Gordon ne cherche pas à éviter.

Avec « Dance of dead », c'est au retour d'un Tobe Hooper énervé auquel nous assistons. Le film est en effet visuellement le plus radical de la série, usant d'un montage quasi hystérique, d'une bande-son agressive et de visions dépassant de très loin ce qu'on s'attendait à y trouver. Crémation de femmes nues hurlant de douleur, scènes de sexe explicites nécrophiles, fascination morbide pour un spectacle où des « zombies » exécutent une danse spasmodique à coup de décharges électriques, Tobe Hooper adopte un point totalement décomplexé sur une société post apocalyptique où chaque personnage a perdu toute notion de morale. De Peggy, qui tient un diner avec sa mère sur-protectrice, et qui devient petit à petit fascinée par le monde de ténèbres, à Jak, un dealer qui revend des poches de sang (le Rouge) prélevées sur les citoyens les plus vulnérables, c'est  une société en déliquescence, en perte de repère qu'il nous est donné d'observer. Chacun agit cependant par strict instinct de survie y compris la mère de Peggy dont on apprend le terrible secret lors du twist final, et qui pousse sa fille encore plus loin dans la vengeance et l'immoralité. Une conclusion  qui ne laisse aucun espoir sur la nature humaine, noire et pessimiste au possible.

Jenifer est sans doute l'un des épisodes de l'anthologie le plus dérangeant et inconfortable. Réalisé par Dario Argento, il met en scène la fascination d'un policier pour la jeune femme qu'il a sauvé d'une tentative de meurtre, Jenifer. Celle-ci est muette et défigurée, le visage figé dans un espèce de rictus obscène et a des yeux énormes d'animal apeuré. Une complicité sexuelle naît entre les deux personnages qui va provoquer la chute sociale et mentale de l'homme. Jenifer met le spectateur mal à l'aise à la faveur des nombreuses scènes de sexe où se mêle un sentiment de fascination – Jenifer est plastiquement superbe et dégage une forte tension sexuelle quasi animale – et de répulsion – le visage défiguré en une grimace grotesque. La jeune femme est caractérisée comme une bête obéissant aux instincts primaux de reproduction et d'alimentation (elle dévore d'abord un chat domestique puis les voisins du quartier) et d'une jalousie meurtrière envers quiconque se dresserait entre elle et son amant. Dans sa folie prédatrice, elle va jusqu'à attirer un jeune homme dans son antre pour lui dévorer l'entre jambe dans un festin  cannibale à peine suggéré. On le voit, Dario Argento va très loin et ne s'autorise quasiment aucune censure. Il entraîne le spectateur dans la folie progessive de son personnage avec qui l'identification est d'autant plus aisée que toute l'histoire nous est présentée de son point de vue de plus en plus dérangé, jusqu'au final qui boucle la boucle et augure d'une nouvelle victime des charmes vénéneux de Jenifer.

Chocolate commence avec l'aveu, face caméra, du meurtre que le personnage principal vient de perpétrer. Jamie, célibataire divorcé narre à la police les événements qui l'ont conduit à son geste. Cet épisode commence comme la chronique intimiste d'un homme qui tente de reconstruire sa vie après une séparation, mais dont le quotidien est très vite contaminée par des événements peu ordinaires, qui commence par un goût de chocolat inhabituel dans la bouche. Jamie est sujet à des visions tout d'abord très mystérieuses et inexplicables. Puis il devient évident que lors de ces altérations de la conscience, il se retrouve dans la peau d'une femme dont il tombe amoureux. C'est la partie la plus intéressante de cet épisode qui fait penser dans ses meilleures moments à David Lynch et à la « fugue psychogénique » de Lost Highway, dont l'humour n'est pas exclu lorsque Jamie découvre les plaisirs du sexe au féminin. L'idée d'utiliser le chocolat pour convoquer ces visions est excellente mais la suite n'est pas du même niveau. Dans son dernier acte, Chocolate échoue à nous surprendre quand Jamie cherche dans sa mémoire des indices qui pourront le conduire à cette femme. Sa rencontre avec elle devient excessivement bavarde et on sent bien que Mick Garris peine à conclure le récit. Le dernier tiers part en roue libre et ne nous offre hélas rien de plus que le meurtre annoncé dès le début. Dommage.

Homecoming est l'épisode le plus politique de la série, il occupe une place un peu particulière dans l'anthologie car le postulat fantastique n'est pas utilisé pour faire peur mais sert de prétexte à une charge virulente de l'administration Bush. Les victimes de la guerre en Irak rapatriés aux États-Unis reviennent à la vie non pas pour se nourrir de chair humaine mais pour participer au vote présidentiel ! Joe Dante brocarde avec un plaisir évident l'univers cynique de la politique, de l'armée  et des médias pour livrer une satire jubilatoire du contexte politique américain actuel.


La série « Masters of Horror » permet de se faire côtoyer les talents les plus récents du genre, mais aussi constitue une réelle opportunité de reprendre des nouvelles avec des réalisateurs ayant davantage officié dans les années quatre-vingt. C'est le cas de John  Landis qui réalise ici un « Deer Woman » inspiré d'une légende indienne : une femme-cerf séduit des hommes qu'elle tue ensuite à coup de sabots sauvages. L'inspecteur Dwight Farraday, spécialisé dans les attaques d'animaux est chargé d'enquêter sur une série de crimes qui pourraient être perpétrés par cette créature légendaire. John Landis adopte un ton distancié, voire parodique qu'il appose au récit. Il donne l'impression de ne pas croire une seule seconde à son scénario pour le tourner en pure dérision. Ainsi cette séquence de spéculation où l'inspecteur de police s'imagine la scène du meurtre dans des scénarios plus invraisemblables les uns que les autres.  La distanciation qu'il opère nuit cependant à l'intérêt du spectateur. La conduite de l'enquête et la résolution du récit ne semblent avoir aucune espèce d'importance. John Landis s'intéresse davantage à ses personnages et notamment aux seconds rôles et l'épisode permet les retrouvailles entre John Landis et Brian Benben, le Martin Tupper de la série culte « Dream On », où de nombreux inserts de séries B venaient illustrer les pensées du personnage principal. Le réalisateur témoignait alors d'une véritable déférence envers les films dont il empruntait le matériau pour l'intégrer dans sa fiction. Dommage que dans Deer Woman, il ne se serve plus du prétexte fantastique que pour tourner son sujet en dérision pure, son segment n'a pour ainsi dire pas sa place dans une telle anthologie.

Si un nom surgit spontanément à l'évocation du terme « Master of Horror », c'est bien celui de John Carpenter, tant il a marqué de son empreinte le genre du cinéma d'horreur et du fantastique, de The Thing à Christine, de Fog à  Prince des Ténèbres. Autant de chefs d'oeuvre inoubliables et intemporels qui ont marqué l'imaginaire des spectateurs et continuent d'effrayer les nouvelles générations qui les découvrent. Il apparaissait donc évident que le réalisateur participe à cette anthologie. Cependant, s'il fait autorité de façon incontestable dans le genre, l'épisode qu'il réalise pour la série, "Cigarette Burns", ne révolutionne pas la donne, même s'il se révèle ambitieux sur le fonds. La recherche de la bobine d'un film légendaire et maudit, « La fin absolue du monde » (en français dans le texte), permet à John Carpenter une réflexion sur son genre de prédilection, le cinéma d'horreur, et de son impact sur le public, d'un point de vue cinématographique, historique, sociologique, mythique. Il englobe ainsi les exploitants de salle spécialisées, les collectionneurs, les critiques, les « nerds » à la recherche du moindre morceau de pellicule d'un film d'Argento, mais aussi les réalisateurs de snuff movies. Cependant, l'évocation systématique de la « Fin absolue du monde », de la légende qui l'entoure (la projection du film a provoqué de scènes de barbarie lors d'un festival à Sitgès) finit très vite par désintéresser ou faire sourire malgré l'effet de contamination qu'il produit sur ceux qui tentent de s'en approcher (le fameux « cigarette burn », la brûlure de cigarette qui indique sur une pellicule la fin de la bobine, gagne ici la réalité pour provoquer des béances dans le réel et basculer dans la folie). Seuls quelques effets gores assez audacieux viennent saisir le spectateur à la gorge, in extremis. Au final, si Carpenter réalise un segment ambitieux sur le fonds, il se révèle néanmoins décevant sur la forme.

Si John  Carpenter était le nom qui s'imposait naturellement pour réaliser un épisode des « Masters of Horror », a contrario, celui de William Mallone ne fait pas force d'évidence. Sa biographie sur le site officiel de la série nous indique qu'il a réalisé quelques programmes télévisés, rien de plus glorieux à son palmarès. Pourtant, il faut avouer que la vision de « Fair haired child » permet  d'entrevoir un certain talent chez le bonhomme. Son épisode témoigne d'une maîtrise certaine des codes du genre, narratifs, dramaturgiques, plastiques, qui puise occasionnellement à la fois dans la littérature ((le thème de la noyade) et le cinéma gothique (les flash backs qui évoquent irrésistiblement Tim Burton et son imagerie). William Mallone distille habilement ses effets, maintient le mystère ce qu'il faut, dirige ses comédiens vers l'outrance et le surréalisme, utilise brillamment son décor et la musique dans son récit. Tour cela pour une relecture du monstre tragique, thème classique du genre qui trouve ici une belle illustration.

Dans « Pick me up », Larry Cohen ne tergiverse pas et rentre très vite dans le vif de son sujet, lointainement inspiré du film « Hitcher ». Il y est aussi question de psychopathe routier, mais l'originalité du propos est ici qu'il n'y en a pas qu'un seul mais deux. Le premier est un auto stoppeur au chapeau de cow-boy et l'autre un camionneur qui conduit un bahut transportant de la « viande pour chien », à savoir les corps de ses victimes et brandit une étoile de shériff pour tromper la vigilance des innocents ramassés sur le bord de la route. L'épisode installe rapidement une tension palpable à la faveur du jeu halluciné du camionneur, qui provoque un malaise évident. Larry Cohen utilise en outre des décors où le climat d'insécurité est renforcé, tels ces chambres d'un hôtel poisseux, ces bords de route noyé dans le brouillard ou la cabine d'un camion où pendent sous forme de trophée les affaires personnelles des précédentes victimes du tueur. Les deux psychopathes vont se livrer à un jeu du chat et de la souris autour d'une jeune femme qui fuit son passé et dont l'autocar est tombé en panne au bord de la route. Ils rivalisent de ruse pour être celui qui la tuera, comme deux prédateurs se disputant un territoire et une proie. Chacun a sa propre logique de prédation, des motifs qui s'opposent dans un duel sanglant au climax paroxystique où ils se voient in fine surpassés par plus fort qu'eux. Un final qui ne laisse aucun espoir à fréquenter ce bout de route où semblent roder tels des charognards tous les tueurs du coin...

Impossible de concevoir une anthologie de l'horreur sans rendre un hommage aux studios qui ont fait les heures glorieuses du genre, qu'il s'agisse de Universal ou de la Hammer. « Haekel's tale » est donc l 'épisode de la série sous l'influence de ses prestigieux aînés, et plus particulièrement de Frankenstein, cité explicitement dans le récit. John McNaughton emprunte tous les codes du genre, orages nocturnes, cimetierre brumeux, laboratoire aux expériences douteuses, profanateurs de sépultures, pour les mettre au service d'une histoire classique de résurrection.  Thème qui permet en outre d'aborder les sujets de la science, Dieu, la magie, l'amour au delà de la mort. Sauf que même si l'épisode baigne dans un climat victorien de bon aloi, nous ne sommes plus dans les années quarante  et la dernière partie de l'épisode, qui voit une orgie de sexe et de sang cannibale, nous rappelle sans hésiter que les « Masters of Horror » sont contemporains et surpassent en visions horrifiques celles davantage poétique de leurs modèles.

Rien de tel qu'un petit scandale pour faire la promotion d'une série. « Imprint » est le seul épisode a avoir été interdit d'antenne outre-Atlantique, même si nos amis grands britons l'ont tout de même diffusé. Il fallait bien un réalisateur sulfureux comme Takashi Miike pour outre-passer le cahier des charges très strict de la série qui interdisait notamment de représenter à l'écran toute forme de dégradation humaine. C'était sans doute trop en demander au réalisateur d' « Audition » qui manifeste une nouvelle fois son imagination sans borne dans les séquences de torture, ici à base d'épingles à cheveux sadiquement plantés sous les ongles ou dans les gencives, avec une cruauté qui n'est pas épargnée au spectateur. Ajoutez à cela la vision traumatique d'avortements clandestins à base de curretage ou d'accouchements de nourrissons malformés, et vous obtiendrez les raisons de la censure de ce segment. Hormis ces quelques joyeusetés, quoi se mettre sous la dent, me demanderez-vous ? Un récit sous forme orale où la vérité nous est dévoilée de façon successive dans une structure « à la Rashomon », dans un contexte de bordel japonais où les prostituées ont de lourds secrets à dissimuler. Un épisode certes choquant, mais dont justement la violence des visions proposées par le réalisateur ne semble être que le seul motif qui l'ont poussé à le mettre en scène.

Depuis la révélation « May » il y a deux ans, on attendait de pied ferme des nouvelles de son réalisateur, Lucky McKee et de sa magnifique interprète principale, Angela Bettis. « Sick girl » est justement l'occasion de ses retrouvailles qui confirment sans nul doute possible l'immense talent du bonhomme et de sa muse. Cet épisode est le meilleur de la série, rien de moins, et rivaliser de la sorte avec des maîtres incontestés tels que Dario Argento ou Tobe Hooper n'est pas un mince exploit. Tout comme dans May, Angela Bettis interprète une sorte de freak incapable de lier de liens sociaux avec quelqu'un d'autre que ses directs collègues de travail. Ici, elle joue une entomologiste, Ida Teeter, qui vit sa passion des insectes jusqu'à en faire une large collection dans son appartement, la condamnant à n'y inventer personne. Jusqu'au jour où elle tombe amoureuse d'une jeune femme partageant sa passion, Misty, mais dont la liaison va être contrariée par un spécimen un peu intrusif, qui va se servir de son amante pour y coloniser sa progéniture. Si May et Ida partagent des caractéristiques communes, Angela Bettis interprète ces deux personnages de façon diamétralement opposée : noire et inquiétante d'un côté, excessive et burlesque de l'autre. Il faut voir l'actrice parler à ses insectes ou feindre la maladresse pour se persuader de l'immense talent de son jeu. De la même façon, Lucky McKee brode une mise en scène opposée à celle de « May », sous influence « argentesque ». il flirte ici avec la comédie slapstick pour nous donner une forme de parabole sur l'amour lesbien et un plaidoyer en faveur des couples homosexuels à élever des enfants, certes décalé, mais terriblement jouissif. Une grande réussite qui conclut cette première saison de belle façon.

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Commentaires
W
I would like to thank the author for this marvelous efforts .I appreciate your efforts in preparing this post. I really like your blog articles.
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