Click
Il y a certaines comédies (de nombreuses) qui
parviennent tout juste à vos arracher un misérable sourire.et puis il y
a celles dont on n'attend pas grand chose d'un pitch improbable, et qui
finalement se révèlent être de petits miracles qui ne disent rien de
moins que l'essentiel. Click fait partie de cette seconde catégorie,
miraculeuse, dont on compte les réussites sur les doigts d'une seule
main.
Michael Newman est un architecte qui travaille comme un
forcené pour devenir l'associé de son boss, et qui est obligé de
sacrifier pour cela sa vie de famille, sa femme et ses deux enfants (et
son chien !). Jusqu'au jour où il met la main sur une télécommande
vraiment « universelle », un modèle unique qui lui permet d'agir sur
les éléments de son quotidien : baisser le volume des aboiements du
chien, accéler la sortie « popo » du toutou, procéder à des
incrustations d'images de matchs de foot pendant que sa femme le
harcèle de reproches, ou à des arrêts sur image. Bref, de quoi se
simplifier l'existence, évacuer toutes les contraintes de la vie
courante pour n'en garder que le meilleur. La télécommande permet en
outre d'afficher un menu autorisant les retours en arrière, que Michael
utilise pour revivre les moments clés de son existence, depuis sa
naissance, jusqu'à sa rencontre avec sa future femme. La première
partie du film exploite au maximum son pitch, multiplie les trouvailles
comiques liées à l'utilisation de ce gadget, pousse jusqu'au bout son
argument dans un vrai rythme de comédie qui ne faiblit à aucun moment
et évoque dans ses meilleurs moments « Un jour sans fin », qui reposait
lui aussi sur un pitch fantastique. Adam Sandler s'en donne visiblement
à coeur joie et la distribution s'offre le luxe de seconds rôles
absolument jouissifs et prestigieux. Kate Beckinsale prouve qu'elle
sait faire autre chose que combattre des vampires en tenue de cuir
moulante. David Hasselhoff est parfait en patron tyrannique, même pas
franchement antipathique, juste parfaitement crétin ! Christopher
Walken fait du Christopher Walken mais le vrai bonheur tient dans les
retouvailles avec Henry Winkler, le Fonzy des « Jours Heureux » dans le
rôle du père de Michael, toujours aussi « vert » au grand dame de son
fils qui assiste avec dégoût aux transports amoureux de ses parents
seniors.
La seconde partie du métrage bascule contre toute
attente dans la fable humaniste à la Capra : la télécommande reste
bloquée sur l'option « avance rapide » et dans ses moments-là, Michael
vit sa vie en pilotage automatique. Il est présent physiquement pour
ses proches, mais est absent mentalement. Sa vie lui échappe
inexorablement et dans les brefs moments où il revient à la réalité, il
ne peut que constater le désastre qu'est devenue son existence, pour
lui et sa famille. Cet argument est strictement celui de « La vie est
belle » où James Stewart observait aussi les dégâts qui s'abattaient
sur sa petite communauté dans l'hypothèse de son décès. « Click »
parvient alors, à la faveur de cette pirouette narrative, à émouvoir
son audience malgré une morale convenue sur la famille (« family comes
first »). On pardonne alors aisément ce twist final qui redirige le
film vers un happy end de circonstance, tant ce qui a précédé se révèle
supérieur au comique ras des paquerettes et la plupart du temps
régressif que nous propose la production américaine en général.