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VERSATILE
4 mars 2007

Le dahlia noir

18669699« Le dahlia noir » est sans doute l’un des romans noirs qui a le plus  révolutionné le genre. Écrit en par James Ellroy, il mêle l’histoire réelle du meurtre d’Elisabeth Short, qui défraya la chronique en 1947, avec la vision fantasmée par l’auteur d’un Los Angeles où se croisent flics obsessionnels, promoteurs immobiliers véreux, notables arrivistes, rois de la pègre, starlettes ambitieuses et femmes fatales. Ellroy invente un langage inédit où fusionnent le style classique des romans noirs des années 60 avec une modernité de ton qui explose les limites de cette littérature.

En raison de la complexité de la narration, de la multiplicité des personnages et des sous intrigues, l’adaptation cinématographique du « Dahlia Noir » est un projet délicat qui traîne dans les cartons des studios depuis longtemps, sur lequel était même envisagé pendant un temps David Fincher derrière la caméra.

L’annonce de Brian De Palma au poste de réalisateur, si elle aurait réjoui il fut un temps, a au contraire suscité l’inquiétude, le gros barbu n’ayant rien sorti de vraiment enthousiasmant depuis « Mission : Impossible », soit près de 10 ans de disette cinématographique où De Palma ne nous a livré que du moyen (Snakes Eyes, Mission to Mars), voire du très mauvais (Femme Fatale).

Disons le tout net, malgré les doutes que nous nourrissions quant aux capacités de DePalma à nous livrer une adaptation réussie du roman d’Ellroy, « Le dahlia noir » dépasse nos attentes et se révèle un objet cinématographique fascinant, qui, s’il ne remplace ni ne surpasse à aucun moment l’expérience de la lecture du roman, s’inscrit logiquement dans l’œuvre « depalmienne ». On y retrouve en effet l’essentiel des obsessions et des thématiques développées par le cinéaste notamment dans les années 80. La  fascination pour l’industrie cinématographique et sa chaîne de production (le preneur de son de Blow Out, le milieu du porno dans Body Double), l’amour au-delà de la mort (Body Double, Obsession), la figure du gangster (« Scarface », « L’Impasse »), la reconstitution d’une époque (Les Incorruptibles), le double (« Dressed to kill »). Tous ces thèmes trouvent logiquement un écho dans le « Dahlia Noir », avec en ligne de mire « Sueurs Froides » d’Hitchcock, film matriciel dans lequel viennent se nourrir de multiples cinéastes et qui synthétise à lui seul tous les motifs depalmiens. Le « Dahlia Noir » est donc un grand film théorique dans lequel le réalisateur manifeste son habituel talent de mise en scène mais avec une virtuosité réelle mais discrète. Il évite les  séquences opératiques au profit de mouvements d’appareils moins visibles mais néanmoins signifiants.

Le film bénéficie en outre d’un « production design » de qualité avec une photo magnifique de Vilmos Zsigmond en forme d’hommage au film noir, un score tendu de Mark Isham et une interprétation à l’unisson. Si Josh Hartnett ne semblait a priori pas le choix le plus évident pour interpréter le rôle de Bleichert, il parvient cependant à rendre crédible le personnage et lui donne une incarnation qui correspond à celle du roman. Scarlett Johansson et son physique rétro s’avère par contre un choix  évident pour le rôle de Kay et Hilary Swank figure la complexité du rôle de Madeleine, sosie avoué d’Elisabeth Short.

Contre toute attente, « Le Dahlia noir » de De Palma est une adaptation réussie du roman d’Ellroy. Elle semblera sans doute confuse au néophyte en raison de la complexité de l’intrigue, et n’évite pas tous les pièges de l’adaptation. On regrettera par exemple que l’enquête autour du meurtre d’Elizabeth Short soit presque mise en arrière-plan  du trio amoureux  Blanchard/ Bleichert/ Key. Le corps mutilé du dahlia noir aurait pu ainsi devenir un personnage à part entière du film, un peu comme Kassowitz avait filmé le cadavre des « Rivières Pourpres ». Dans la dernière scène du film, le corps d’Elizabeth Short apparaît à Bleichert comme un fantôme, dans une vision presque gothique à la limite du fantastique. On regrette qu’il n’ait pas hanté davantage le film mais on ne peut cependant que se réjouir du travail qu’a effectué De Palma . Car en tout état de cause, son « Dahlia Noir » nous réconcilie avec son cinéma et s’inscrit naturellement dans une œuvre riche et cohérente.

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