Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
VERSATILE
4 mars 2007

Inside Man

18479911_vignUn yes man, Spike Lee ? Oui, monsieur ! Est-ce à dire que le réalisateur de Do the right thing abandonne pour autant ses considérations sociales et politiques ? Non, mon bon ! Pour sa première commande en forme de film de casse sur le mode « plan parfait », le réalisateur se glisse dans le projet en y apposant une mise en scène d'une élégance exceptionnelle et en adoptant les codes du genre pour les magnifier de surprenante façon. Alors oui, il y a bel et bien le braquage d'une banque en plein coeur de New York avec prise d'otage, mais le spectateur comprend très vite que  les intentions des casseurs ne sont pas purement pécuniaires et que le plan en question n'est pas le vol des billets de banque contenus dans le coffre. C'est d'ailleurs ce que redoute également le directeur de l'établissement, qui semble avoir un secret suffisamment lourd à cacher pour s'offrir les services d'une jeune affairiste, Mlle White, interprétée par Jodie Foster.

Spike Lee fait ici preuve d'une ironie mordante dans la description de ce microcosme de notables new-yorkais : Mlle White, dont on ne sait pas exactement si elle est avocate, agent de bien ou simple affairiste occupe un immense bureau blanc immaculé et ne porte de vêtement que de la même couleur, façon de jeter un voile sur ses activités  suspectes dans lesquelles est aussi mouillé le maire de la ville ! Le travelling latéral qu'organise le réalisateur lors de la conclusion du contrat entre elle et le patron de la banque, face à un Manhattan où l'absence des deux tours jumelles saute aux yeux est à ce titre excessivement explicite. Spike Lee, outre qu'il filme une nouvelle fois New York comme nul autre, semble montrer du doigt une élite responsable des événements du 11 septembre 2001. Que Mlle White ait comme client un homme d'affaire qui s'est enrichi sur la confiscation des biens juifs avec la complicité des nazis, et le fils de Ben Laden dont elle négocie l'achat d'un appartement au coeur de Manhattan (quel cynisme !) jette un pont entre deux époques, crée un raccourci entre les opportunistes d'hier et d'aujourd'hui, responsables d'événements historiques majeurs dont ils ont tiré profit pour leur propre compte. Voilà pour la dénonciation politique, que l'on attendait pas forcément dans un film ultra codifié de braquage.

Bien sûr, Spike Lee obéit aussi aux lois du genre en mettant en place le casse : arrivée des malfaiteurs dans la succursale, neutralisation des systèmes de sécurité, prise d'otage savamment orchestrée à la faveur d'un montage nerveux, installation du cordon de sécurité par la police, négociations. Mais le réalisateur va plus loin dans la description sociale des otages pour dessiner une forme de photographie ethnique et culturelle des habitants de la Grosse Pomme. Personnages se demandant s'ils vont pouvoir traîner en justice les malfaiteurs, sick refusant de parler à la police sans son turban, jeune black jouant sur sa PSP à un jeu de massacre façon « gangsta  rap », Spike Lee épingle dans un même mouvement la judiciérisation de la société américaine, le renforcement du communitarisme et le repli identitaire, la perte des valeurs pour les jeunes générations, l'individualisation de la société (quasiment chaque otage dispose d'un accessoire électronique – console portable, téléphone mobile, I pod – qui l'isole des autres). Inside Man rappelle dans ces moments-là un autre film de cambriolage célèbre : « Un après-midi de chien » de Sydney Lumet, où la prise d'otage devenait aussi le moyen d'observer la société.

Spike Lee réussit donc à magnifier un projet de commande aidé, il faut bien le dire, d'un scénario diabolique et d'une précision d'horloger. Premier script d'un nouveau venu à Hollywood, Russell Gewirtz, il faudra guetter attentivement ce nom-là tant son premier essai ressemble à un coup de maître.

Publicité
Publicité
Commentaires
VERSATILE
Publicité
Archives
Publicité