Marie-Antoinette
Dès l'annonce de son intention de tourner un film sur
Marie-Antoinette, la majorité de la presse ciné et n'importe quel
observateur un peu attentif ont compris ce qui pouvait motiver Sofia
Coppola pour s'intéresser à un tel sujet. A savoir mettre une nouvelle
fois au centre de son récit une jeune femme évoluant dans un univers
étranger pour suivre son apprentissage de la vie. Marie Antoinette
s'inscrit donc immédiatement sur le registre de la chronique intime et
non pas de la volonté historique. De ce point de vue, Sofia Coppola
réussit son film qui répond strictement à ses notes d'intention. Le
film adopte constamment le point de vue de son personnage principal et
nous fait partager ses ennuis, ses angoisses et ses débordements
dépensiers de jeune princesse. La réalisatrice échappe aux écueils de
la reconstitution en costume en dynamisant sa mise en scène tel un clip
à la bande son pop/ rock où s'entre-mêlent The Strokes, New Order, Cure
ou Phoenix. C'est donc une version moderne qui revisite les clichés que
Sofia Coppola a choisi d'adopter et il faut lui reconnaître un immense
talent de réalisatrice dans sa capacité à marier le son et l'image dans
un montage dopé aux décibels. La façon dont elle filme un bal masqué
comme une fête techno est une vraie réussite.
Toutefois, si le
film n'est jamais ennuyeux et peut même provoquer une douce euphorie
chez le spectateur, le sentiment déceptif que l'on ressent provient
justement du strict respect des notes d'intentions de la cinéaste, qui
ne parvient jamais à transcender tout à fait un sujet en or dont on
attendait davantage. Le personnage de Marie Antoinette ne bénéficie en
effet d'aucune caractérisation. Elle ne nous est présentée qu'au
travers de ses actes les plus anecdotiques : essayages de perruques et
de chaussures, papotages entre jeunes filles sur les rumeurs de la
Cour, cocufiage au Trianon et recherche festive tous azimuts. Kirstin
Dunst tente tant bien que mal de donner du corps et de l'âme à son
personnage, mais ce qu'on lui donne à jouer ne suffit pas, la pénurie
de dialogue interdisant en outre au spectateur de ressentir quoi que ce
soit pour Marie Antoinette. L'actrice se contente donc de minauder
exclusivement, et c'est d'autant plus dommage que le rôle permettait
davantage de complexité et de profondeur, que la réalisatrice aurait pu
puiser dans l'ouvrage d'Antonia Fraser qui lui a pourtant servi de
référence. Par conséquence, on a du mal à croire aux rares scènes
dramatiques, lorsque Marie Antoinette éclate en sanglots à la naissance
de sa nièce ou lorsqu'elle décide de rester auprès de son roi de mari
alors que la révolte gronde. Rien auparavant ne nous a permis de
ressentir qu'elle éprouve un quelconque sentiment envers Louis XVI,
cette décision arrive sans aucun développement logique et manque de ce
fait cruellement de crédibilté.
Film mode sans enjeu véritable,
Marie Antoinette ne s'apprécie finalement que comme une coupe de
champagne : inoffensif, il peut provoquer une ivresse passagère, mais
comme c'est tout de même un cru de bonne qualité, on ne risque pas
d'attraper la gueule de bois.