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VERSATILE
4 mars 2007

Mission : Impossible 3

18608449La boucle est bouclée. Mission : Impossible, qui a fait les beaux jours du petit écran dans les années 60 a déjà été portée deux fois au cinéma. La première adaptation signée Brian DePalma était un grand film théorique où le réalisateur donnait à voir la virtuosité de sa propre mise en scène dans un exercice de style brillant et efficace. John Woo qui mit en scène la suite échoua à coller à la franchise son propre univers, sans doute vampirisé par son producteur/ interprète. Ne restait de la Woo's Touch qu'un envol  de colombes et les figures de style les plus manifestes du cinéaste, dont les fameux gunfights avec un flingue dans chaque main. En confiant à J.J. Abrams, créateur de deux des séries les plus passionnantes du moment, Alias et Lost, le soin de réaliser le nouvel opus des aventures d'Ethan Hunt, il faut dire que Tom Cruise a visé juste. Mission : Impossible 3 est le meilleur volet de la série, ni plus ni moins.

Les téléspectateurs les plus familiers de la série Alias reconnaîtront immédiatement la patte de J.J. Abrams dès la première séquence. Tom Cruise, prisonnier du méchant, est interrogé sur l'endroit où se trouve une « patte de lapin ».  Pour obtenir l'information, la femme d'Ethan Hunt est menacée de mort, pistolet sur la tempe, dans un compte à rebours qui égrène les secondes avant la mise à mort. Au moment de compter 10, le générique surgit, et la suite nous révèle les événements qui ont conduit à cette séquence. C'est la patte instantanément reconnaissable de J.J. Abrams, sa carte de visite : combien d'épisodes d'Alias ont démarré de la même façon ? Pas qu'un seul. Le  réalisateur pousse les similitudes avec l'univers de Sydney Bristow beaucoup plus loin, en donnant à Ethan Hunt, espion rangé du terrain, une vie privée (il doit se marier bientôt avec une jolie infirmière). Dans Alias, la vie d'agent double de Sydney Bristow était une donnée essentielle des scripts où celle-ci devait à la fois gérer sa vie intime, familiale et professionnelle, et qui permettait de développer les thèmes de la confiance, du mensonge, de la filiation. C'est cependant le point sur lequel le film échoue majoritairement : alors qu'une série télé donne le temps aux personnages de se développer et d'établir des connexions entre eux et une complicité avec les téléspectateurs, la vie privée d'Ethan Hunt a du mal à convaincre à la faveur des quelques vignettes maladroites et vite expédiées.

Si la partie domestique de Mission : Impossible 3 ne convainc pas, il en est tout autre du spectacle, qui lui est total, trépidant et qui ne permet aucun temps mort. Dans une méthode directement héritée des meilleures séries du moment, les événements s'enchaînent dans un rythme où les rebondissements se succèdent sans discontinuer. Chaque scène crée un état d'urgence permanent de la séquence suivante et les scènes d'action, ô combien spectaculaires et parfaitement maîtrisées, obéissent souvent à une double justification. Ainsi, la première ex filtration en Allemagne et la course poursuite en hélicoptère qui la conclut se justifie doublement par la nécessité d'échapper à ses poursuivants, mais aussi  à celle de sauver l'agent qui risque de mourir si une capsule explose dans son cerveau. De la même façon, lors de la séquence d'évasion sur le pont, le suspens est doublement renforcé par les menaces proférées auparavant par Philipp Seymour Hofmann à l'encontre de la femme d'Ethan Hunt. Les morceaux de bravoure sont ainsi tous légitimés et gagnent de la sorte en intensité et en tension. Brillant, d'autant plus que ceux-ci sont suffisamment variés pour maintenir l'intérêt, de l'ex filtration à l'enlèvement, en passant par l'évasion ou le vol a priori impossible.

J. J. Abrams réalise ainsi le cross-over parfait entre petit et grand écran en y appliquant les règles actuelles du suspens télévisuel (la scène où Tom Cruise est guidé par téléphone dans les ruelles de Shanghai évoque irrésistiblement « 24 »). Les conditions de l'urgence de l'instant sont systématiquement réunies pour faire passer l'intrigue (y en a-t-il vraiment une ?) au rang d'accessoire. La preuve la plus évidente en est que la « patte de lapin », le fameux macguffin, ce après quoi tout le monde court et qui était toujours explicité dans Alias (il pouvait s'agir d'armes biologiques, de virus, sans parler des fameux artefacts de Rambaldi) restera au stade de mystère le plus complet. Il  conserve alors son usage le plus théorique, conceptuel, celui d'éviter d'expliciter de façon rationnelle tous les éléments du film. Mission : Impossible 3 devient alors une sorte de concept, un prototype de cinéma qui emprunte ses codes au petit écran. Que le film qui en est la matrice trouve son origine dans une série à succès est finalement logique (et devrait inquiéter la future transposition de 24 heures Chrono au cinéma). La boucle est bouclée.

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